AIS pour les nuls

Avec la généralisation progressive des transpondeurs AIS (émetteurs-récepteurs) à bord de nos bateaux de plaisance (¹), et leur présence obligatoire à bord d’une grande partie des navires de commerce, les possibilités d’affichage et de traitement des cibles (navires environnants équipés d’un transpondeur) ont considérablement amélioré notre sécurité. Encore faut-il savoir interpréter ces informations qui, dans des zones à forte fréquentation, peuvent rapidement devenir un vrai casse-tête.

Dans ce genre de situation, mieux vaut un diagnostic rapide des risques de collision ! (Weather4D 2.0)

Les meilleures applications de navigation, tout comme les écrans dédiés à l’AIS, sont en mesure de fournir, non seulement l’affichage et la progression des cibles, mais également les informations détaillées émises par elles, et surtout les données calculées en temps réel concernant le croisement avec ces cibles et les risques de collision.

Une fenêtre déroulante permet de lire toutes les données concernant une cible particulière. Ici en vue nocturne.

A partir de la route (COG) et de la vitesse (SOG) sur le fond d’une cible, combinées aux mêmes données de notre propre navire, le calcul en temps réel permet de fournir trois informations essentielles : CPA, TCPA et BCPA.

  • CPA : Closest Point of Approach. Le point où se produira la plus faible distance de rapprochement d’une cible, en d’autres termes le point où ce navire passera le plus près.
  • TCPA : Time to Closest Point of Approach. Le délai restant avant d’atteindre le CPA (en heures, minutes).
  • BCPA : Bearing of Closest Point of Approach. Le relèvement du CPA à l’instant où il se produira.

Ces trois informations sont indissociables. Elles vont permettre d’anticiper les évènements et de modifier si nécessaire notre route pour éviter tout risque de collision, et également éviter de couper de trop près la route d’un plus gros navire moins manoeuvrant.

Dans l’exemple ci-dessus, la route de notre bateau va croiser celle du navire cible, le « Carmen Bandeira ». Les vecteurs de cap respectifs sont réglés proportionnels à la vitesse sur le fond pendant une durée spécifiée, 30 minutes dans cet exemple. Cela permet déjà d’un coup d’oeil d’apprécier les vitesse respectives des deux navires, celui ayant le vecteur le plus long étant le plus rapide. Mais cela ne suffit pas. La fenêtre déroulante activée sur la cible nous confirme sa vitesse et sa route, et nous informe en temps réel de sa distance (RNG pour Range), de son relèvement (BRG pour Bearing), du CPA, du temps restant (TCPA) et du relèvement (BCPA) de la cible au moment du CPA. Cette dernière information est primordiale pour savoir si la cible passera derrière ou devant nous, en plus de sa distance.

Dans l’exemple ci-dessus, si le navire cible avait été beaucoup plus rapide (disons 15 noeuds) le BCPA aurait probablement été de l’ordre de 120°-130° et le navire serait donc passé devant nous, présentant un moindre risque. Du fait de sa faible vitesse, nous allons passer devant lui. Il faut s’assurer qu’on coupera sa route suffisamment loin devant, et vérifier fréquemment si sa vitesse n’augmente pas soudainement.

Weather4D Routage & Navigation indique la prédiction des positions au moment du CPA par deux cercles, en tenant compte de l’emplacement de l’antenne GPS des navires.

Avec Weather4D R&N ci-dessus, on peut activer plusieurs cibles simultanément pour afficher les prédictions calculées en temps réel. Voir aussi la capture en début d’article.

Dans le doute, il ne faut pas hésiter à modifier sa propre route assez tôt, de manière à indiquer clairement la manoeuvre à l’autre navire, qui nous voit lui aussi sur son écran. Le changement de route d’un navire est aussi une donnée générée par l’AIS émetteur, ou calculée par l’application de navigation : le ROT.

  • ROT : Rate Of Turn. Taux de giration d’un navire, en degrés par minute, sur babord ou sur tribord.

Cette donnée est particulièrement importante pour les grands navires à fort tonnage dont les manoeuvres de changement de cap sont très lentes et peuvent être imperceptibles à l’oeil nu. L’affichage sur la carte ou l’écran du ROT se fait généralement sous la forme d’une flèche vers babord ou tribord à l’extrémité du vecteur de cap, en plus de la donnée chiffrée.

Informations des cibles AIS dans iSailor

Dans tous les logiciels et écrans dédiés des alarmes sont réglables pour le CPA, TCPA ou plus simplement une distance minimum des cibles. Mais tout cela ne dispense en rien d’une veille visuelle attentive : tous les navires ne sont pas encore équipés d’un transpondeur AIS, ou bien parfois le mettent en mode « silence », c’est-à-dire réception sans émission.

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(¹) AIS, la deuxième révolution maritime après le GPS
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4 Replies to “AIS pour les nuls”

  1. Encore merci Francis pour ces infos. Il faut tout de même ajouter que le Détroit de Gibraltar, comme La Manche, deux des endroits les plus fréquentés au monde, ont un couloir descendant et un couloir montant, on navigue à droite ! Et qu’il est interdit de couper ces couloirs en biais mais seulement de façon perpendiculaire ce que visiblement les 2 cibles étudiées (Phaethon et Carmen Bandeira) ne respectent pas ! D’où l’interêt de l’AIS…

    1. Le rail de Gibraltar ne commence, dans l’Est du Détroit de Gibraltar, qu’à la longitude d’Algeciras. Les navires en exemple sont donc en route de navigation libre. Dans mes exemples le « Phaethon » fait route pour se placer dans le rail sortant, le « Carmen Bandeira » a depuis longtemps quitté le rail entrant, tout comme notre propre bateau.

  2. Bonjour,
    Bon article, avec juste deux remarques de détail : les émetteurs-récepteurs AIS ne sont pas des tanspondeurs, dans la mesure où ils émettent selon un rythme défini par leur classe sans être interrogés, comme le sont les transpondeurs aéronautiques (IFF militaire, radar secondaire civil) ou les SART radar. Le mot correspondant en angais est le néologisme « transceiver » et non « transponder ».
    Le TCPA est bien le temps restant avant passage au CPA, comme vous le dites très bien, et devrait donc se définir en anglais comme « time to CPA ».
    Il serait sans doute utile de préciser pour les plaisanciers que le CPA calculé est souvent variable à cause des variations de route et vitesse dues à la mer, au vent et à la qualité du barreur de nos petites unités, ainsi qu’à la qualité parfois médiocre de la référence en cap, ceci est également valable pour l’utilisation de l’ARPA ou mini ARPA sur les radars de plaisance.
    Bien à vous

    1. Le terme « transpondeur » est peut-être techniquement impropre, cependant il est utilisé en français par une majorité de fabricants, raison pour laquelle je l’ai repris. Pour le reste je suis parfaitement d’accord avec vous.

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