Vous allez bientôt entendre parler de Signal K, un standard de communication de données marines, développé en open source, qui ambitionne de remplacer les standards NMEA (0183 et 2000) techniquement dépassés par le développement exponentiel des objets connectés. Les concepteurs entendent apporter un protocole ouvert et gratuit aux développeurs comme aux industriels, permettant de s’affranchir des contraintes liées aux normes NMEA : coût des licences, limites de débit, limite du nombre et des types d’appareil, inadaptation aux environnements complexes, aux communications sans fil, donc incompatibilité avec l’internet des objets et l’internet tout court.
Certains fabricants, comme Nick Heyes, CEO de Digital Yacht, n’ont pas hésité à emboiter le pas du projet. Digital Yacht a lancé la conception d’une passerelle NMEA vers Signal K, iKommunicate, en levant des fonds par un appel au financement collaboratif via KickStarter. D’autres acteurs bien connus comme Luis Soltero, de Global Marine Network et RedPort, ou encore Jeff Siegel, fondateur de Active Captain (la plus importante base de données nautiques communautaire), ont embrassé le projet avec enthousiasme. Nul doute que cela devrait faire rapidement des émules et booster le projet (¹).
De plus, la National Marine Electronics Association (²) qui publie les normes NMEA, a reconnu au mois de mai dernier le projet et lui a apporté son support.
Reste à savoir comment vont réagir les principaux fabricants d’électronique de marine, Furuno, Raymarine, Garmin, Simrad, Nobeltec, qui ont réalisé d’importants investissements dans les réseaux NMEA, surtout NMEA2000 qui leur coûte une petite fortune en licences d’exploitation (¹).
Je vous livre ci-après la traduction in-extenso de la présentation sur le site web du projet :
Signal K constitue la publication d’un standard commun et moderne de données ouvertes pour une utilisation marine. Un standard pour les bateaux modernes, compatible avec NMEA, adapté à la Wi-Fi, aux smartphones, aux tablettes et à Internet. Un format accessible à tous, pour lequel chacun peut contribuer.
Introduction
Signal K vise à être la solution de prochaine génération pour l’échange de données marines. Il est destiné à être utilisé non seulement pour la communication entre les instruments et capteurs à bord d’un seul navire, mais aussi pour permettre le partage des données entre plusieurs bateaux, aides à la navigation, ponts et marinas. Il est conçu pour être facilement implémenté par des applications web et mobiles et pour relier les bateaux modernes à l’internet des objets.
Justification
Il y a un besoin pour un nouveau protocole de communication pour l’industrie maritime pour répondre aux besoins d’un monde changeant et de plus en plus interconnecté. Le mécanisme actuellement le plus déployé pour interconnecter l’instrumentation a été avec nous pendant plus de trente ans. Contrairement à d’autres protocoles de communication omniprésents de la même époque, NMEA 0183 n’a pas aussi bien vieilli. Cela a été reconnu dès 1994 quand le développement a commencé d’un remplaçant, le protocole NMEA 2000. Malheureusement, au moment où ce remplacement est arrivé sur le marché au début de 2001, il montrait déjà son âge. Quatorze ans plus tard, il est clair qu’une nouvelle approche avant-gardiste est nécessaire.
Il y a plusieurs problèmes majeurs avec les standards existants. En décomposant, les premiers problèmes sont d’ordre technique. Les deux standards sont fondamentalement des réseaux locaux en série conçus pour les déploiements limités dans des environnements simples. NMEA 0183 est limité à 4800 bauds (115.200 bps au maximum, qui a vu un déploiement limité aux instruments AIS) et un seul appareil émetteur. NMEA 2000 fonctionne à un débit significativement plus élevé (250 kbps) et permet à de multiples appareils de transmettre sur un bus partagé, mais il est limité à 50 appareils sur le bus. Ces décisions peuvent avoir été parfaitement rationnelles, il y a vingt ou trente ans, mais aujourd’hui, nous avons besoin de quelque chose de plus performant et extensible.
Le problème majeur suivant n’est pas technique, mais plutôt une question juridique. Ces normes sont publiées et disponibles pour leur utilisation par les développeurs. Toutefois, bien qu’ils soient des standards ouverts et que tout le monde puisse développer un produit les utilisant, les deux ne sont pas gratuits, en ce que leur utilisation est régie par un accord de licence qui limite la façon dont ils peuvent être utilisés et, dans le cas de NMEA 2000, un accord de non-divulgation. En substance, cela empêche la diffusion d’une application open source développée en utilisant ces standards.
Enfin, et surtout, les deux normes NMEA et les autres protocoles propriétaires dans l’industrie ont été développés quand les instruments à bord des bateaux de taille moyenne étaient beaucoup plus simples et moins performants. Dans un monde où le thermostat de votre maison est connecté à l’Internet et le nombre d’appareils connectés à Internet uniquement aux États-Unis devrait dépasser un milliard d’ici 2016, il semble archaïque que votre bateau soit encore lui-même une île isolée.
Après tout, votre bateau n’est pas seul sur l’eau. Il y en a beaucoup d’autres, et aussi beaucoup d’autres sources d’information. Dans le monde moderne connecté, ne devriez-vous pas être en mesure d’accéder à ces informations à partir de votre bateau où que vous soyez et quel que soit l’appareil que vous utilisiez ? Pour aller de l’avant, nous devons penser de façon connectée, d’une façon fondamentalement différente des protocoles NMEA. Sun Microsystems est célèbre pour avoir inventé l’expression « Le réseau est l’ordinateur », et Signal K reflète ce concept global peer-to-peer.”
Dans son concept, le standard Signal K va permettre de fabriquer les futurs appareils de navigation capables de communiquer au-delà du simple câble embarqué, via Wi-Fi, Bluetooth, au travers de l’internet, sans plus besoin de coûteuses passerelles ni d’applications spécifiques. Les données de navigation pourront être sauvegardées et partagées sur le nuage, l’information pourra circuler entre navires, et entre la terre et les navires. Les capitaineries des ports pourront ainsi apporter des informations en temps réel utiles aux bateaux qui y accèdent, immédiatement affichées sur les lecteurs de cartes, comme les zones de mouillage autorisées ou interdites, par exemple. Et bien d’autres services pourront être développés.
Peut-être une étape importante pour l’électronique de marine, l’entrée de la navigation de plaisance dans le troisième millénaire. attendons de voir…
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(¹) Sources : Panbo
(²) Voir NMEA dans le Glossaire cartographique et maritime
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Excellente nouvelle, en espérant que les grandes marques ne traineront pas trop les pieds, même si la remarque de Julien est juste… on a déjà vu des grands acteurs disparaitre à un virage mal négocié !
Dans l’histoire de la technologie, les standards ouverts l’ont toujours emporté sur les standards fermés. Les acteurs institutionnels vont sans doute faire de la résilience, mais la mutation technologique s’imposera d’elle-même.
Cette technologie verra sans doute apparaître de nouveaux acteurs, au détriment des grandes marques….