Lecture : « Le Voyage en Polynésie » de Jean-Jo Scemla

Je devais embarquer dans quelques jours pour un convoyage de Méditerranée jusqu’en Polynésie. Malheureusement, le report du départ à la fin du mois et des contraintes professionnelles de retour impératif début mai viennent de m’obliger à renoncer à ce voyage. Amère déception…

A défaut de s’y rendre, il est toujours possible de le vivre sur le papier. A la suite du « Voyage de Magellan » que j’ai évoqué en décembre dernier, je vous propose un ouvrage que j’ai découvert il y a une dizaine d’années. Un livre pour vous faire passer l’hiver au coin du feu, vous donner envie de partir à votre tour à la découverte de ces îles éparpillées au milieu du plus grand océan de notre planète, à travers leur histoire relatée par les plus grands voyageurs des siècles passés.

Le Voyage en Polynésie (*),

Sous-titré « Anthologie des voyageurs occidentaux de Cook à Segalen », est un pavé de quelques 1240 pages relatant, à travers les récits et journaux de bord des navigateurs, la découverte des peuples polynésiens par les européens. Si les marins espagnols et portugais des XVIe et XVIIe siècles étaient attirés par l’or et les épices, les marins européens du XVIIIe voyageaient pour la science et les progrès de la civilisation. Wallis, Bougainville, Cook, Bligh, Forster et des dizaines d’autres ont rapportés leurs rencontres avec la civilisation des Îles du Pacifique, décrivant en détail les moeurs, coutumes, pratiques religieuses ou guerrières des peuples rencontrés des Iles de la Société aux Marquises, des Tuamotu aux Gambier. Plus tard, au XIXe siècle, ce sont les écrivains aventuriers qui prirent le relais, Melville, Stevenson, Segalen, Radiguet, London et aussi Gauguin, et d’autres marins, tels Dumont d’Urville et Ellis, dont les relations de voyage nous font découvrir ces micro-sociétés monarchiques qui régnaient sur le Pacifique : leur reines et rois, leurs comportements, et le difficile contact de deux civilisations aux antipodes.

Itinéraires des premiers navigateurs européens

Itinéraires des premiers navigateurs européens

Un ouvrage à déguster à petites doses durant l’hiver, d’une lecture passionnante, parfois fastidieuse mais tellement instructive, organisé comme une thèse d’étude, accompagné en annexes de notices biographiques des voyageurs, d’un répertoire des personnages polynésiens, d’un répertoire géographique et d’un glossaire des termes polynésiens. Enfin une chronologie historique permet de situer l’évolution des îles du Pacifique par rapport à celle du reste du monde « occidental ». On trouve, en début d’ouvrage, des cartes situant les grands flux migratoires à travers le Pacifique, et les itinéraires maritimes des principaux découvreurs du XIVe au XVIIIe siècle.

Jean-Jo Scemla

Disparu en janvier 2007, l’écrivain Jean-Jo Scemla résida huit ans en Océanie. Arrivé à Tahiti en 1977, il y exerça la profession de journaliste et y résida plusieurs années. On lui doit plusieurs publications sur la littérature océanienne.

Né à Rabat, au Maroc, étudiant à Paris, exerçant le journalisme (La Dépêche de Tahiti, le New Zealand Hérald, la chaîne française de Radio-Australie, Le Matin de Paris, Le Monde), Jean-Jo Scemla était passionné de la culture polynésienne et de son contact avec le monde occidental. Il se passionna aussi pour des peintres comme Gauguin et Octave Morillot et rédigea un essai d’analyse de la situation politique polynésienne dans un ouvrage collectif remarqué (« Tahiti après la bombe »). A la fin de l’année 2006, il signait une préface de la réédition des « Souvenirs d’un vieux Normand », une relation de voyage de William Leblanc publiée pour la première fois en 1895 et rééditée fin 2006 par l’éditeur polynésien Au Vent des Îles. Il avait présidé le jury du 6ème prix du Livre insulaire d’Ouessant en 2004.


(*) Editions Robert Laffont, 1994

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